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  • Photo du rédacteurBenoit Poisson

Demain... la rentrée

Ça ressemble à une fin de vie déjà parce que le ciel devient plus gris, les parasols plus clairsemés, l’odeur de la crème solaire qui s’estompe et ton envie de rester là pour toujours, tu espères encore. Alors tu en profites, les derniers instants à plonger dans l’écume salée, le sourire sur tes lèvres bleutées, à trouver ta voisine de plage charmante, si seulement il te restait du temps, tu aurais surement trouvé le courage de l’aborder. Pas très grave, de toute façon elle n’avait d’yeux que pour le sauveteur ultra bronzé. Ce n’est pas encore l’heure de la boule au ventre, ce n’est que demain la rentrée. Machinalement tu creuses le sable, des trous tu en as fait mille, un de plus pour laisser ta trace, éphémère, le vent continuera à le reboucher. Encore trop jeune pour regretter, tu profites juste de l’air iodé, demain l’encre sur les cahiers viendra t’incommoder. C’est déjà l’heure, et tu ne veux pas la quitter cette mer dans laquelle tu as tant aimé jouer. La serviette et le maillot mouillés sècheront au-dessus des valises que ton père a eu du mal à faire rentrer dans le coffre. La bouteille d’eau et les sandwichs attendent dans la glacière et entre tes doigts de pieds le souvenir de cette plage d’été. Les dix prochaines heures seront dures tu le sais, les voitures à l’arrêt sur l’asphalte chaud et la radio qui annonce rien de bon, la réalité te rattrape, tu ne veux même pas demander quand est-ce qu'on arrive. Rentrer c’est bien la pire des idées. Dans les voitures à côté les gens ne sourient pas, ils sont comme toi, tristes de devoir retrouver leur quotidien, d’avoir quitté les odeurs de lavande et de marchés fleuris. Tu les suis du regard jusqu’au péage et bientôt le paysage change c’est dommage. On apprend vite à ton âge, maintenant tu sais que pour quelques jours de liberté il te faudra patienter longtemps, travailler, te donner la peine pour ce sentiment exquis de sentir à nouveau le vent du large caresser ta peau. Et soudain sur l’A6 tu prends conscience que la vie est étrange, qu’il te faut pour être heureux en passer par des heures sombres et par des sacrifices monotones où seuls les rêves permettront l’évasion. Tu regardes les capots ouverts des voitures en mangeant ton sandwich au pain de mie, il fait froid et ça sent la pisse. Encore des heures de voiture… Ton père qui cherche à tout prix à éviter les bouchons en triturant le GPS et ta mère qui laisse faire en lui jetant des regards noirs. Dans ton sac à dos il y a un cahier de vacances que tu n’as même pas ouvert et une carte postale cornée que tu posteras une fois arrivé. Tête contre la fenêtre, juste sombrer pour replonger encore une fois dans le bonheur de l’été, les odeurs de barbecues et les veillées joyeuses avec tes parents enivrés. Même eux ne disent rien, comme toi ils sont encore là-bas, le sourire dans les yeux, ne pas penser à l’instant. Demain c’est la rentrée.



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