37 ans
- Benoit Poisson
- 13 sept. 2020
- 2 min de lecture
Tes yeux brumeux dans le miroir, c’est tout ce que ton regard a attrapé. Promis, c'est fini, à ton âge te mettre dans cet état c’est comme refuser de vieillir, refuser l’évidence que tu n’as plus vingt ans. Alors bien sûr les soirées tu y vas sans sourciller avec chaque fois la même promesse. Ce sera la putain de dernière fois. Mais voilà ces promesses tu ne les tiens pas. A peine deux verres et tu plagies la vie de ce couple sur le canapé. Leur complicité de l’instant et leur amour évident. Tu sais pourtant qu’à ce petit jeu on perd tout le temps. C’est fou d’y croire encore, de s’y accrocher comme si chaque souhait, chaque vœu te renvoyait au passé. Comme si t’y croyais encore et que même tu te les récitais fort. Tu sais les promesses d’ivrogne ça résonne sans aucune conviction jusqu’au silence du lendemain vide.
T’as réussi à attraper tes pupilles, fixes, immobiles. Garde tout ça bien ouvert, l’équilibre est fragile en cet instant de souffrance. Tu pourrais passer mille ans avec ces questions qui trottent. T’as la maturité d’y voir clair, de presque te résigner. T’en as déjà gagné des batailles, faut juste choisir la hauteur de ta chute, savoir si encore une fois tu veux rebondir, avoir la folie de croire qu’à ton âge on peut encore sourire. Juste un désarroi passager qui pèse fort sur ton front marqué. Tout ce tourment juste parce que encore une fois t’as pas su t’arrêter. Il faut toujours en rajouter un de plus, repousser tes limites. Rappelle-toi, tu n'as plus vingt ans. Et s’il faut faire un bilan, là, tout de suite, les mains agrippées sur ton lavabo glacé à quatre du mat’, il sera aussi désarticulé que tes pensées. Rester debout et continuer, c’est peut-être ça grandir ? Mais tu vois t’es resté bloqué avec tes espoirs d’il y a quinze ans. T’as pas su empoigner le rêve quand il est passé et le temps presse maintenant.
Ça cogne aussi fort que tes regrets et dans ton crâne y’a bien longtemps que t’es plus à la fête. Le célibat ça ne te gêne pas, t’y trouves même des avantages. Non ce que tu ne veux pas c’est te retourner et ne rien voir, pas même une trace de fondation solide. Et puis il y a la pression des amis, ceux qui s'aiment, du moins en apparence. Ceux là même que tu ne veux plus voir, qui étalent leur bonheur précaire dans des poses parfaites dans les écrans. Plus que de l'inspiration ils veulent voir ta jalousie. La perfection dans leur maison, leur belle voiture brillante et leur dernier séjour en Grèce. Qu'ils gardent leur bonheur de catalogue.
Pourtant ces états-là, ces moments où tu oublies tout ce pour quoi ta petite vie est loin d’être parfaite, tu les recherches sauvagement avec toujours la même conclusion. Si enfin tu veux avancer, promets-toi que ce sera la putain de dernière fois.

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