Confinement
- Benoit Poisson
- 6 nov. 2020
- 3 min de lecture
C’est un levé du jour pâle, plein de blanc dans le ciel qui touche la terre silencieuse. Les yeux collés de sommeil, au chaud sous les couvertes. On n’a même pas pris la peine de fermer les volets, peut-être le secret espoir d’y voir la voie lactée accompagner nos rêves. Les brindilles couchées sur leur lit de papier attendent d’être allumées et dans un coin de la chambre le chien s’étire. Un sourire posé sur l’oreiller vient nous rencontrer, ce matin calme sonne déjà comme une belle journée. La colline dénudée s’est drapée pudiquement de sa tunique ouatée. Les feuilles jaunies de l’automne viennent caresser l’herbe et enterrent à jamais les chauds souvenirs d’été. Le froid humide vient prudemment nous envelopper, juste un temps, et la laine douce pour nous réconforter. On détricote la brume nocturne avec l’envie de profiter du jour gris. Une odeur de café, de pain toasté, la cheminée déjà rallumée. Tout nous invite à prendre le temps, décroché de la réalité trop pressée et les arbres rouges de la forêt nous montrent qu’il ne sert à rien de regretter, que de la morte-saison renaitra l’agitation. De toute façon on n’a pas envie, on a plus envie et dans ce matin serein on oublie bien vite tout ce qui faisait notre quotidien, la montre qu’on regardait à chaque seconde, la course dans la salle de bain, les infos qui ne nous apprenaient rien de beau, finit le chrono, les encouragements et la motivation qu’on allait chercher loin, très loin. On redécouvre le bruit du ruisseau, de celui où l’on va jeter quelques petites pierres, faire rire les enfants et peur aux poissons. Le silence fait du bien et le crépitement du feu naissant nous replace dans le monde ancestral, dans la simplicité de la vie. Rien pour troubler la quiétude, rien pour nous rattacher au monde des survivants. On fait l’effort de s’installer sur le vieux canapé mou, une tasse chaude entre les mains et la danse des flammes dans le regard. Dans la chambre, notre beau sourire, celui avec lequel on passe nos nuits s’est rendormi. Le chien, lui, nous a suivi, déjà une envie de sortir, assis derrière la porte il supplie. Alors on l’entrouvre, vite pour ne pas laisser s’échapper la chaleur réconfortante de la maison séculaire, le froid nous pince les joues. On envisagera surement une balade, plus tard dans l’après-midi, juste avant que le noir ne prenne la place du gris. Tout est si beau, si calme, il y a ce tableau, simple aux couleurs pastelle de l’aquarelle qu’il faudra encadrer, tous ces petits projets mainte fois reportés. La haie à tailler et le parquet qui grince, la terrasse à nettoyer et cette chaise à réparer. Les menus travaux du concret qui nous rendent la fierté d’avoir su faire, qui redonnent du sens là où la vie l’avait estompé. C’est bête de sourire comme ça, juste parce que le temps qu’on avait plus nous rattrape et nous enveloppe de sa justesse infinie. Il est bête mais tellement beau et pour ne pas l’oublier, on ferme les yeux pour le graver. C’est le nôtre, notre sourire de l’instant, le plus sincère et le plus simple. Il faudra prévoir le menu du déjeuner, c’est étrange de manger tous ensemble le midi, un mardi, peut-être un poulet rôti, la ferme d’à côté nous a fait redécouvrir le vrai goût de la volaille. Tant de choses qu’on oublie vite, tant de futilité qui fait perdre la magie, nous éloignent de la vie. Ce mal de l’instant nous aura au moins montré une chose, même si la liberté est chère, le confinement nous aura rapproché de l’essentiel. Le chien gratte à la porte, il veut rentrer.

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