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  • Photo du rédacteurBenoit Poisson

Elle est classe ta lutte.


T’as la gueule fatiguée, la joue mal rasée. En fait t’es un portrait de Zola, un de ceux que l’on montre parfois dans les cinémas comme pour signifier au monde entier que t’existes encore, que personne ne t’oublie. Du moins le temps d’un film social projeté à grands renforts d’affiche marketing. Le genre de loisir que tu ne peux même pas t’offrir. Non, toi t’as pas le droit à tout ça. Y’a que le travail qui paie, on te l’a répété toute ta misérable vie, alors forcément, au bout d’un moment c’est finit par rentrer. Ça, pour travailler, tu travailles ! Faut bien mettre des patates dans la gamelle de la marmaille et leur offrir ce que tu n’as jamais eu. Si tes gosses n’ont pas de Nike aux pieds, ils se feront railler dans la cour de récré. La douleur tu connais, ça fait des années que t’en as des tonnes sur tes épaules, le dos courbé à s’échiner à construire le paradis de quelques-uns. Les mêmes, le sourire en coin et le regard hautain, qui se plaignent que t’en fais pas assez et qui voudraient t’en prendre toujours plus. Qu’est-ce qu’il te reste à perdre quand tu n’as déjà plus rien ? Ton orgueil ? Tes valeurs ? Ta gouaille braillarde leur fait peur, s’ils prenaient un instant pour t’écouter ils se rendraient bien compte que ce n’est que de l’amour et de la bienveillance qui sortent de ta bouche. Tu t’exprimes aussi fort que la vie t’a cabossé et tes caresses rugueuses c’est comme des cicatrices de ton expérience qui viennent embrasser l’autre. Tu t’en fous s’il te manque des petits sous à la fin du mois, tu lècheras ta gamelle pour avoir le sentiment d’être rassasié. Et si un camarade à faim alors tu lui offriras le repas. Y’aura ton petit cœur affamé mais y’aura deux hommes heureux qui se remercieront en silence. C’est homard contre purée, caviar contre flageolets, pommard contre plâtrée. Culture contre culture, un même monde à se partager mais quand il ne reste rien pour toi, difficile d’y goûter. La fierté dans le regard, à l’heure du grand soir, s’il faut rejoindre les camarades sur les barricades, tu trouveras encore la force de serrer les dents et les poings et montrer aux nantis, à ceux qui méprisent que leur monde s’est construit grâce à toi. Ton paysage c’est le gris, tu mets des couleurs dans ton tableau en te réchauffant le cœur au bistrot. Pas de mots sur tes maux, le regard, tout dans le regard, le silence pesant de ta vie éreintante que tu noies dans cet alcool blanc. Et cette incompréhension a sans cesse se demander pourquoi ton pays liberté cadenasse ta classe d’ouvriers dans une étreinte suffocante. Qu’as-tu bien pu faire pour mériter autant de mépris et d’oubli ? Des solutions t’en as mais pourquoi hurler au pied des tours dorées ? Si les gamins pouvaient comprendre ça plutôt que de se noyer dans leur virtualité alors peut-être que ton utopie deviendrait réalité.


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