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Et sinon ça va ?

  • Photo du rédacteur: Benoit Poisson
    Benoit Poisson
  • 26 avr. 2021
  • 4 min de lecture

Et sinon ça va toi ? Quand à 19 heures, le verre de chardonay accroché à la main, tu racontes à tes collègues RH le prochain plan de licenciements que tu mets en place. T’as surement froid sur le roof top de ta tour de la Défense mais le couché de soleil est beau. 850 salariés à éjecter, ce n’est pas rien mais ce n’est pas non plus ton meilleur score ! Et comme pour te donner bonne conscience on t’entend déclamer « tu sais, ce n’est pas de gaieté de cœur », si ça te rassure…


Et sinon ça va toi ? Quand tu rentres bourré à 23 heures en réveillant tes gosses parce que tu gueules sur ta femme qui a mal essuyé la table. Tu y mets toute ta frustration d’homme raté qui échoue dans tout ce qu’il entreprend. Après tout, c’est forcément de la faute des autres et surtout de celle que tu terrorises. Hurler ça lui fait déjà mal alors imagine quand les coups partent aussi forts que son incompréhension.


Et sinon ça va toi ? Le petit flic obéissant aux ordres, pas trop de remords à tabasser l’injustice et la lutte des classes ? « On m’a dit de le faire… » Fracasser de l’ouvrier ou de l’étudiant qui demandent juste un peu plus. Ce petit plus que toi-même tu n’as pas. Y’a une logique à répandre le sang des siens ? A matraquer les révoltes d’en bas pour servir ceux d’en haut qui te crachent dessus ? Surement que tu aimes en prendre de tous les côtés…


Et sinon ça va toi ? Le gras qui coule par tous les orifices, aussi gros que t’es pervers. Aujourd’hui t’as voté une loi pour mettre en galère les gens qui le sont déjà. Finalement ce n’est pas quelques euros en moins à la fin du mois qui vont les priver de quoi que soit. Regarde-toi, tu t’en sors très bien avec tes 5 000 euros par mois, tu ne comprends pas comment les gens peuvent manquer d'argent. Vite, ton devoir de parlementaire fait, tu cours, il y a un homard sur une nappe blanche offert par les lobbyistes qui t’attend. Attention le marbre ça glisse, heureusement qu’il y les rambardes dorées pour te rattraper.


Et sinon ça va toi ? Pas trop compliquée ta lutte médiévale ? A crier dans le vent tes valeurs archaïques, à vociférer que l’autre c’est le mal, enfin si tu sais, celui qui n’est pas pareil que toi, autre culture, autre couleur, autre orientation sexuelle, autre religion, le mécréant que tu ne tolères pas, celui-là même qui est aussi la créature de ton dieu que tu ne cesses de prendre à témoin. « La France aux Français ! » que tu gueules, bien stable dans tes mocassins à glands. Si tu relisais tes textes sacrés, certain que tu te trouverais con.


Et sinon ça va toi ? T’as pas hésité longtemps entre augmenter les effectifs de la police et ceux des hôpitaux. Pas une question de bon sens, plus un sens de l’électorat. Apparemment t’as l’air bien où t’es et ceux qui t’y ont mis on l’air satisfaits de ta prestation. Au final ça fait une très petite minorité si on compte bien. Y’a quoi dans ta tête ? Dans ton cœur ? Avec tous ces grammes dans le nez t’arrives quand même à dormir ?


Et sinon ça va toi ? A te plaindre sans arrêt, à crier à l’injustice sur ton canapé ? Y’a rien qui va dans ce foutu pays, on y arrivera jamais. « Tous des pourris », facile de poster un slogan sur ton profil Facebook, ça soulage la révolte et puis surtout t’espères des likes parce que ces likes c’est la preuve que t’existes et que tu passes pour quelqu’un de bien avec de belles valeurs. Et puis ceux qui ne sont pas d’accord avec toi, ils ont vite fait de te traiter d’islamo bobo gaucho, certains ajoutent même écolo pour compléter la panoplie du rebelle en toc.


Et sinon ça va toi ? Y’a quoi de jouissif à voir la terreur dans les yeux d’un enfant quand tu t’approches de lui ? T’y peux rien, t’es malade, tu ne contrôles pas, juste le besoin irrépressible de toucher de la chair fraîche… C’est trop facile de dire que c’est maladif. Et sinon l’option « sous-merde » tu l’as déjà envisagé ? Y’a quoi dans ta tête quand tu t’es vidé sur l’innocence perdue ? Y’a des types biens en prison pour te montrer tout le mal que tu as fait.


Et sinon ça va toi ? Pas trop difficile d’être le témoin de tout ça ? Belle et silencieuse, tu acceptes qu’on t épuise, te maltraite, t’exploite. Ça doit être lourd à porter ce fardeau humain sur ta frêle surface ? Tu te réveilles de temps en temps pour nous prévenir que tu vas bientôt craquer. On s’en fout, on a nos perversions à assouvir pour soulager l’instant malsain.



 
 
 

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