Intemporelles

C’est ce que nous retiendrons. A la veille du départ, quand nos yeux embrumés de notre mémoire se terniront d’un futur trouble et inconnu. Quand partiront vivre loin, nos corps lassés d’inutiles souffrances. Lorsque nos conversations se seront tus, muselées par les propos de l’habitude. Nos orgues désaccordées sur nos délices passées s’évaporeront.

C’est ce que nous retiendrons. De trop grands et inconfortables souvenirs viendront nous hanter. Tirailler l’échine de décharges électriques en nous infligeant la pire des sentences. Nos actes manqués et le cœur que nous n’avons pas su retenir. Pleurant comme des enfants privés de liberté, le jour noirci d’une incommensurable peine.

C’est ce que nous retiendrons. A vivre à cent à l’heure, toi et moi, on ne s’est pas vu ralentir. Les chemins poussiéreux nous ont fait dévier et nos cris au secours inaudibles sont restés sans réponse. Naufragés sans envie pour s’accrocher à nous et à notre passé idéal. S’enfermer dans des directions sans issue qui feront disparaître nos images.

C’est ce que nous retiendrons. Ce n’est jamais anodin de se quitter. De faire une croix sur un bonheur englouti. On est fort, c’est la vie, à l’intérieur c’est un ravage permanent. Nos peines seront vives, irréversibles et perpétuelles. C’est la solitude qui nous guette. Gageons que les mois lisseront le désarroi de notre séparation.

C’est ce que nous retiendrons. Repartir à l’assaut, le cœur espérant à nouveau. S’ouvrir et y croire, ne vivre que pour ça avec une douleur d’espoir. Juste quelques traces de nous qui nous feront sourire. Et puis retrouver dans cet autre baiser, ce plaisir éternel d’aimer quelqu’un pour toujours. Ne plus refaire ces mêmes erreurs séculaires. Ressentir pour un moment, toutes nos amours intemporelles que l’on croit unique.