Le temps inutile
- Benoit Poisson
- 6 mai 2021
- 2 min de lecture
C’est long comme une infinité de moments placée là où nos pas s’enchaînent sur des pavés défoncés. Le regard posé sur tout ce qui se détache du paysage, on avance et les semelles s’usent et les chaussettes se trouent. Comme c’est agréable cet élan vers un but inconnu, une destination que l’on décide mètre après mètre en testant les forces qui nous restent. S’arrêter, fixer, contempler et garder en mémoire ce que le temps nous offre de magnifique, aussi éphémère qu’un sourire figé sur le visage d’une inconnue croisée. Reprendre la marche, garder le silence pour soi et jouer à l’égoïste de l’instant en inspirant la beauté des lieux comme si elle n’était là que pour nous, posée pour qu’on l’admire ne serait-ce qu’une seconde.
Qu’il est doux ce moment où l’on ne fait rien ! Les sens stimulés par la vie des autres, par le tableau d’une vie qui se dessine devant soi et expose ses couleurs qui font briller le cœur et l’âme de celui qui sait le regarder. Il devient exquis cet effort de l’oisiveté, ce combat contre toutes les stimulations modernes, contre tout ce qui nous éloigne de l’essentiel. Les choses éternelles qui se battent contre la complexité et deviennent aussi vitales qu’une bouffée d’air frais nous font simplement se sentir exister à l’endroit où nous sommes, bien dans notre environnement, les pieds ancrés sur la terre aimantée.
On décidera plus tard des choses importantes, on repousse les tracas qui martèlent la chair quand l’esprit nous y autorisera. L’heure n’est pas aux préoccupations d’humains pressés d’arriver. Non, ce moment si futile qu’il devient indispensable c’est peut-être la liberté qui nous séduit. Une caresse sensuelle dévouée à notre bonheur de l’immédiat, à l’appréciation de la simplicité de l’offrande. L’échange n’est pas vénal, le temps nous inonde de sa divine tranquillité, il nous demande de savoir simplement en être conscient et de l’apprécier. C’est la vie qui nous a mis là, simple et paisible, les hommes n’ont fait que se précipiter pour tenter de maîtriser ce qu’ils ne peuvent pas.
Le temps inutile de ceux qui courent et aspirent au repos éternel devient la pépite cachée de celui qui sait lever la tête un instant et sourire à ce qui fait sa propre vie : son temps précieux qui construit les instants des bonheurs simples. Respirez ! Le bonheur que vous vivez là n’est rien comparé à ce que vous allez découvrir la minute d’après. Respirez, vous êtes vivants ! Respirez, vous êtes vous !

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