top of page
Rechercher
  • Photo du rédacteurBenoit Poisson

Le violoncelliste du Louvre

Le soir est enfin redevenu doux, les rayons violacés caressent une dernière fois les pierres centenaires et les promeneurs s’attardent découvrant enfin leur peau. Plus personne n’a peur de montrer qui il est vraiment, les sentiments s’ouvrent sur le pavé chaud. Il y a la grandeur des lieux qui impose le respect, qui force à baisser la voix et à se rapprocher de l’autre pour lui montrer son bonheur. C’est calme comme après une journée caniculaire, les bruits s’estompent et les corps se détendent, l’heure est aux confidences, à l’éternité de l’instant merveilleux qui s’installe juste avant la nuit. Promenons-nous au hasard, laissons l’envie guider les pas. La Joconde observe, immobile et jalouse, elle voudrait tant humer l’air paisible de fin de journée et poser, enfin, son regard sur un être aimé.


Sous le passage Richelieu, la fraicheur saisit les corps, ici le soleil ne vient jamais laissant les hautes arches à peine éclairées. La ville se vide, la vie est calme, le passage est désert. Les statues du Louvre s’affichent en vitrine, immobiles pour des siècles, elles invitent à la contemplation de leurs lignes si pures. On a le sentiment qu’un bal s’improvise dans l’immense pièce, que dès notre regard détourné, elles se mettront à danser pour dégourdir leurs jambes de marbre. Laissons-les vivre leur vie de belles endormies… Il y a le vivant à observer, à ressentir. En ces lieux nous sommes du côté de la joie, de la légèreté du moment, un rendez-vous avec l'histoire qui nous fixe dans le présent de notre vie. On sait que quelques pas plus loin on retrouvera l’agitation de la rue de Rivoli. Alors pendant encore un temps on se laisse porter par l’immatérialité du temps, pas l’insouciance d’un bien-être éphémère. Soudain, résonne en écho sous les arches, la mélancolie d’un violoncelle. Il ne pouvait en être autrement. C’est presque irréel, comme transporté dans une dimension de volupté. Les corps et les cœurs ralentissent, les émotions abondent. Il joue lentement, amoureux des notes qui transportent, soucieux de respecter infiniment la beauté des lieux. Ce Rostropovitch aussi épris de liberté ne partage que l’envie de transmettre ses émotions et laisse s’envoler toute la candeur ineffable d’une musique d’Handel. Le violoncelliste du Louvre ne joue que pour ce couple, ultime privilège d’une journée si douce, une note finale à ce qui devrait ressembler à l’éternité. Le hasard de la rencontre rend l’instant encore plus féerique. Sa tête se relève, heureux de voir ces deux passants freiner leur vie pour lui accorder l’importance qu’il mérite. La femme, belle et silencieuse, souris comme hypnotisée et accompagne la mélodie de sa tête qui suit les mouvements de l’archet. L’homme, lui, ne peut s’empêcher de regarder la femme, émerveillé par les émotions qui émanent de sa silhouette. Il pourrait rester là, toute une vie à la contempler tant la scène est belle et la femme heureuse. Peut-être deux minutes, peut-être une heure d’absolue béatitud. La femme salue respectueusement le violoncelliste du Louvre, le remercie et saisit le bras de l’homme. Leur vie continue plus loin, plus légère. Quand on a devant soi que l'éternité alors toute chose arrivera, même l'improbable.



26 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page