Un regard fixe sur le trottoir d’en face, un boulevard à traverser pour tout chambouler. Il y a mille questions dans ta tête, tout se bouscule, le cœur bat et les jambes tremblent. Un regard fixe sur le trottoir d’en face, tu sais que tu vas le faire, traverser et tout renverser, il ne peut en être autrement. De l’autre côté il y a une âme à percer, un corps à chavirer, c’est l’inconnu à explorer et tout recommencer. Recommencer cette vie qui devenait triste et monotone, la folie passionnelle depuis longtemps endormie. Tu la sens revenir au galop, plus puissante que jamais et sans mot dire, tu ne cherches plus à la retenir et vogues aux vents des trépas de l’habitude. Sans maudire tu oublies cette force coutumière qui te fait te recroqueviller dans les méandres d’un temps trop long à attendre l’étincelle. Un regard fixe sur le trottoir d’en face, il est pour toi tu le sais, ce regard des péchés que tu ne peux empêcher de soutenir et se presser d’y aller, vérifier de plus près si tout ceci est bien vrai. C’est la tempête dans ton cerveau et la bouche asséchée et la peur accrochée, viscérale, tu dois lutter pour ne pas te raisonner, foncer devant quoi qu’il arrive et faire briller les étoiles qui te répondent patiemment de l’autre côté. Un regard fixe sur le trottoir d’en face, tu sais ce que ça implique, assez de confiance dans ces yeux étrangers pour tout plaquer, perdre la raison et les inactions des conventions qui tuent l’amour et la vie. Tu t’encourages, vas-y fonce ! Tu n’en peux plus des regrets, des actes manqués et la folie de croire que ta vie serait belle si tu ne vivais pas cet instant, qu’en passant ton chemin tu pourrais l’oublier. Mais vois ! Vois comme ces yeux brillent, comme la fureur d’aimer, même une minute, l’emporte sur le sérieux d’une vie tracée. Un regard fixe sur le trottoir d’en face, tu t’embarques sur ce bateau, ivre de découverte, presque sans peur et les vagues d’émotions te rappellent que tu vis pour de bon. Chalouper comme tu le fais c’est sentir sous chacun de tes pas les vibrations de ton existence, prêt à caresser ton destin que tu pensais pourtant figé. Le sourire amplifié par cette rencontre presque irréelle, c’est l’évidence de l’infini qui te fouette pour enfin respirer et voir les horizons lointains se rapprocher. Un regard fixe sur le trottoir d’en face, derniers obstacles à franchir, ton Everest vers le plaisir, une mélodie sensorielle à composer au-delà des véhicules qui tracent leur chemin, inconscients de vivre là la plus belle des rencontres, la plus magnifique ode à la passion. Tu composes avec ce temps éternel qui te sépare de la lumière de ton futur. Et c’est long à venir, trop long pour ton avenir qui se languit déjà . Les pas interminables qu’il faudra faire et espérer entendre sa voix avant que s’évanouisse l’instant magique du hasard d’une rencontre. Un regard fixe sur le trottoir d’en face et tu attends bête et trop pressé, de pouvoir traverser.
