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Rencontre

  • Photo du rédacteur: Benoit Poisson
    Benoit Poisson
  • 22 janv. 2021
  • 2 min de lecture

C’est un après-midi gris, presque silencieux où les nuages plaquent au sol toute tentative de mouvement. Un après-midi de nostalgie, froid et humide où les gens se pressent pour ne pas rester figés dans le décor presque mort. Les arbres squelettiques sont les témoins d’une saison disparue et dans les flaques miroitent les souvenirs d’une douceur irréelle. Le parc s’est vidé de sa candeur estivale, seules, quelques âmes traînent encore et se confondent avec la tristesse d’une journée d’hiver. Le froid est là et nous force à cacher nos corps, aussi pudiques que la nature est à nu. Le temps s’est arrêté pour faire place à une mélodie de Satie. La complainte du pianiste accompagne à merveille l’atmosphère en y plaçant ses notes tragiques.


Et puis il y a cet homme, marchant lentement, qui rallonge le parcours en évitant les flaques. Cet homme qui hésite, se questionne. A-t-il bien fait d’être là, à ce moment précis ? Il regrette presque la chaleur du métro qui le faisait somnoler, loin de cette réalité qui fait battre son cœur comme rarement. Il avance, il se persuade que tout ira bien. Il avance et dans sa tête tout se bouscule, son passé, son présent et son futur. Sa chronologie est chamboulée, ses mains sont gelées. Il avance, il voudrait bien se montrer plein d’assurance.


Et puis il y a cette femme, seule, immobile sur un banc de pierre. Le regard dans le vide, presque apeuré. Elle attend. Elle a froid. Elle patiente, remplie d’espoir mais ses mains tremblent. Ça commence à se voir, elle est fébrile. Le déluge aurait bien pu s’abattre, elle serait quand même venue. Elle a suffisamment nourri ses regrets pour trouver la force et le courage d’enfin les affronter. Elle est seule et immobile. Elle ne renoncera pas quitte à s’effondrer sous les maladresses de son passé.


Chacun inspire profondément, tente de calmer son anxiété. C’est étrange de trembler comme avant un baiser volé au lycée. Il l’aperçoit, sa silhouette fine et droite. Il se dit qu’il a de la chance de pouvoir décider du moment. Elle est déjà là, et ne sait pas quand il arrivera. Il s’arrête un instant, de dos elle ne le voit pas. C’est maintenant, c’est là, dans ce décor froid et silencieux de janvier. Satie ne joue plus. Tout sera improvisé, il n’a rien préparé, elle n’a rien répété. Enfin elle le voit, son cœur se pince, elle baisse la tête pour ne pas lui montrer son désarroi. Il semble serein, elle ne l’est pas. Après un « bonjour » tremblant, il se passera quoi ?



 
 
 

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